La Direction des affaires civiles et du Sceau, dans une note en date du 27 août 2021, propose que les conclusions soient structurées par l’intégration d’une synthèse limitée à un maximum de 10% des conclusions dans la limite de 1000 mots.
Le but recherché est évidement de trouver des remèdes pour désengorger les juridictions faute de moyens humains et matériels. Soigner les maux par les mots !
Le confinement a fait ressurgir de façon plus douloureuse encore la maladie chronique dont souffre la justice.
Durant cette période, les juridictions ont été totalement paralysées, alors que les entreprises se sont organisées pour continuer leur activité notamment en mettant en place les moyens nécessaires pour le télétravail.
La profession s’est mobilisée pour faire valoir son opposition à cette proposition qui entraînerait des conséquences procédurales radicales.
Si en soit, structurer les conclusions peut -être bénéfique pour la compréhension du dossier, pourquoi pas, mais si le but inavoué est de simplifier le travail du juge qui n’aura plus à statuer sur le fond et pourra ainsi évacuer plus rapidement un dossier sur une question de procédure, tout cela au détriment du justiciable, c’est bête et méchant : circulez, il n’y a rien à voir !
Restons donc vigilant car après la proposition de la DACS, le répit estival fut de courte durée et c’est au tour de la Cour de cassation dans un arrêt du 9 septembre 2021 de se prononcer une fois de plus sur la rédaction des conclusions (Civ 2e 9 sept 2021 n°20-17—263).
Pour retenir la caducité de l’appel la Cour suprême retient que :
- L’étendue des prétentions dont est saisie la cour d’appel étant déterminée dans les conditions fixées par l’article 954 du même code, dans sa rédaction alors applicable, le respect de la diligence impartie par l’article 908 s’apprécie nécessairement en considération des prescriptions de cet article 954.
- Selon cet article 954, pris en son alinéa 2, les prétentions des parties sont récapitulées sous forme de dispositif, la cour d’appel ne statuant que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il résulte de ce texte, dénué d’ambiguïté, que le dispositif des conclusions de l’appelant remises dans le délai de l’article 908, doit comporter, en vue de l’infirmation ou de l’annulation du jugement frappé d’appel, des prétentions sur le litige, sans lesquelles la cour d’appel ne peut que confirmer le jugement frappé d’appel. Cette règle poursuit un but légitime, tenant au respect des droits de la défense et à la bonne administration de la justice.
- Il résulte de la combinaison de ces règles que, dans le cas où l’appelant n’a pas pris, dans le délai de l’article 908, de conclusions comportant, en leur dispositif, de telles prétentions, la caducité de la déclaration d’appel est encourue.
Par conséquent la caducité de l’appel est donc encourue si aux termes des dispositions de l’article 908 et 954 du CPC combinés, l’appelant n’a pas fait figurer ses prétentions dans le dispositif de ses conclusions dans le délai de trois mois de la remise de ses écritures.
Or, la sanction de la caducité de l’appel au regard de l’article 908 du CPC ne résulte que du fait du défaut de notification de conclusions dans le délai de trois mois à compter de la DA et non du contenu des écritures.
Mais la Cour de cassation, pour justifier sa réponse, utilise l’adverbe « nécessairement » pour apprécier la diligence impartie par l’article 908 en considération des prescriptions de l’article 954 du CPC.
La Cour va encore plus loin mais sans ouvertement le dire dans sa réponse 9 et 10 :
- Cette sanction, qui permet d’éviter de mener à son terme un appel irrémédiablement dénué de toute portée pour son auteur, poursuit un but légitime de célérité de la procédure et de bonne administration de la justice.
- Par ailleurs, cette règle ne résulte pas de l’interprétation nouvelle faite par la Cour de cassation dans un arrêt du 17 septembre 2020 (2e Civ., 17 septembre 2020, pourvoi n° 18-23.626), imposant que l’appelant demande dans le dispositif de ses conclusions, l’infirmation des chefs du dispositif du jugement dont il recherche l’anéantissement ou l’annulation du jugement. Il en résulte que cette règle n’entre pas dans le champ du différé d’application que cet arrêt a retenu en vue de respecter le droit à un procès équitable.
La réponse 9 laisse sous-entendre que le conseiller de la mise en état pourrait donc évacuer rapidement un dossier en liant l’article 908 (art 914 du CPC compétence du CMEE pour prononcer la caducité) à l’article 954 du CPC (sur les prétentions et le dispositif compétence de la Cour).
Enfin la Cour dans sa réponse 10 ne laisse plus la possibilité de se rattraper comme elle l’a fait dans son arrêt du 17 septembre 2020 (Civ.2e 17 Sept 2020 n° 18-23.626) en différent dans le temps sa solution aux appels introduits après cette date.
Marie-Pierre Vedel-Salles – Avocat Associé – Harmio Avocats