Dans une décision récente, la Cour de cassation a opéré un important revirement de jurisprudence en matière de preuves.
Un salarié conteste devant le Conseil de Prud’hommes son licenciement pour faute grave.
En défense, pour démontrer la gravité de la faute de son ancien salarié, l’employeur produit un enregistrement sonore, capturé au cours d’un entretien informel, réalisé à l’insu du salarié, lors duquel ce dernier tient des propos passibles de sanction.
De manière assez attendue, la Cour d’appel d’Orléans (dans un arrêt du 28 juillet 2020) déclare cette preuve irrecevable, l’enregistrement ayant été fait à l’insu du salarié, et déclare le licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’employeur étant dans l’impossibilité d’apporter d’autres éléments de preuve pour démontrer la faute du salarié.
Dans un arrêt du 22 décembre 2023 rendu en Assemblée Plénière (Cass. Soc. 22 décembre 2023, n° 20-20648, B+R), la Cour de cassation casse et annule l’arrêt d’appel, sous l’impulsion de la jurisprudence européenne.
La Cour de cassation considère en effet que des moyens de preuve déloyaux peuvent être présentés au juge, dès lors qu’ils sont indispensables à l’exercice des droits du justiciable.
Une double limite est cependant rappelée par la Cour : le droit à la preuve peut justifier la production d’éléments portant atteinte à d’autres droits à condition que, d’une part, cette production soit indispensable à son exercice et que, d’autre part, l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi.
Il appartiendra donc toujours aux juges du fond, en présence d’une preuve « déloyale », de vérifier que celle-ci est indispensable à la défense, et qu’elle ne porte pas atteinte de manière excessive à d’autres libertés (droit au respect de la vie privé, égalité des armes…)
Jean-Sébastien Deroulez – Avocat Associé – Harmio Avocats